L'eau, la terre, les hommes : Passé et présent des Oasis Occidentales (Algérie)

Nadir Marouf



Les ruptures majeures qu'ont connues les Oasis Occidentales tiennent à deux faits successifs. Le premier concerne la désaffection de la hiérarchie nobiliaire. Cette désaffection porte sur les statuts sociaux, puisque les anciens serfs, appelés harratin, ou du moins une partie d'entre eux, se libèrent du travail servile dans un contexte de ruine des propriétaires soumis désormais à l'exaction fiscale coloniale. La seconde rupture, consécutive à la première, tient au caractère dynamique des oasiens harratin au lendemain de l'indépendance. Cependant la résistance d'en haut et le relent de conservatisme de la vieille notabilité foncière ne manquent pas de freiner la dynamique d'ascension sociale. Les deux ruptures qui précèdent sont en réalité consubstantielles du même paradoxe de la " dissolution-conservation ". Ce paradoxe va prendre d'autres formes avec les réformes agraires successives que connaîtra la région oasienne, notamment la procédure de revivification des foggara sur fonds publics et, une décennie plus tard, la révolution agraire qui l'une comme l'autre, n'auront aucun effet palpable. Les Oasis Occidentales connaîtront en revanche, à partir des années 80, des transformations, voire des malaxages qui, pour le meilleur ou pour le pire, modifieront drastiquement le paysage. Le coût écologique du projet sera rédhibitoire. L'autre coût, plus lourd de conséquences, est d'ordre social. Nous assistons en effet à la coexistence d'une culture d'oasis et d'une culture capitaliste donnant lieu à l'abandon à terme de la première, et à une professionnalisation progressive de paysans devenus " ouvriers agricoles ", ce qui rappelle curieusement le processus de colonisation en Algérie au milieu du 19e siècle. La postface de ce livre est un DVD. Elle constitue la synthèse de la problématique posée ici du destin des Oasis et de leurs habitants.

L'auteur
L'auteur, né en 1940 à Tlemcen, est docteur en droit public interne (Paris I, 1976) et docteur ès lettres (Paris V, 1977). Il se consacre à l'enseignement en anthropologie appliquée d'abord à l'université d'Oran (1968-1988) puis à l'université d'Aix-Marseille (professeur visiteur 1981-82), à l'université d'Harvard (professeur invité : Fullbright fellowship, 1989), puis à Lille I (professeur associé 1988-1991), enfin à l'université de Picardie Jules Verne (professeur titulaire des universités de 1991 à août 2009). Actuellement Professeur Entérite. Ancien directeur de l'URASC (actuellement CRASC) de 1984 à 1989, directeur du CEIRESS (de 1994 à 2007).

Mercredi 29 Juin 2011



1.Posté par Sophie HABERBÜSCH le 29/06/2011 11:45 | Alerter
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Isora
La finesse de l'analyse entre dans toutes les thématiques de dialogue entre les espaces local et global. Le travail mené est d'une importance capitale dans la compréhension des usages de l'eau, de ses enjeux, et montre la nécessité de la culture des espèces dans le respect de leur environnement naturel. La brillante intellectualité de l'auteur démontre les limites des systèmes et ces disconvenances avec les systèmes traditionnels qui ont été construits sur la culture et adaptés à l'environnement.
J'ai beaucoup apprécié le DVD qui fait la préface de ce nouvel Opus, il est une excellente mise en contexte de l'ouvrage et des conditions de travail du chercheur. Ce travail est nécessaire tant pour la mémoire de ce qui avait été bâti, de ce qui a été importé, et de ce qui devra être modifié pour assurer l'avenir de cette terre, de cette eau et de ces hommes qui se font écho de tous les espaces du monde.

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