Camps de réfugiés et enjeux de communication, Journées européennes
Infos pratiques
du Jeudi 29 Septembre 2016 au Vendredi 30 Septembre 2016
ISCC
75013 Paris
Description
Avec Edgar MORIN, Claude MEYER, Michel AGIER, Catherine WIHTOL de WENDEN, Isabelle DELPLA, Sara PRESTIANNI, Virginie DUSENGE, Jan-Cédric HANSEN, Jean-Louis LHERMITTE, Anne GOROUBEN, Albane BURIEL, Elisabeth CATAIX-NEGRE, Paul MOREIRA, Jean-Philippe CARPENTIER, Romain HUËT, Daniel PUROY, Patrick BOURGNE, Tourya GAAYBESS, Thierry BORDE, André REBELO, Kalhed ZOUARI, Pascale DELILLE, Anne DEGROUX, Bruno DAVID, Nicolas CHAVENT et Jacques PERRIAULT.

Programme sur http://www.iscc.cnrs.fr/spip.php?article2247
Merci de vous inscrire à inscriptions_colloque_refugies@cnrs.fr

Présentation

Cette manifestation s’inscrit dans une réflexion initiée dès 2005 à l’université de Paris X-Nanterre, puis au CNRS, sur les problèmes d’information et de communication qui se posent dans des milieux désorganisés par des catastrophes : comment obtenir des savoirs urgents pour faire face à une situation non prévue et comment le faire dans un milieu dont l’organisation a été mise à mal de façon inattendue ?

La notion de milieu désorganisé, empruntée à la sociologie et à la psychopathologie, désigne un milieu dont les modes d’organisation familiaux, relationnels (Soubi, Rainan, Kohen) sont fortement détériorés. Dans le sens que nous lui donnons, un milieu désorganisé comprend des éléments physiques (sols), des artefacts (infrastructures, transports) et des êtres vivants (humains, animaux, germes, etc…). Sur le plan formel, un milieu désorganisé peut s’inscrire dans un cube virtuel se composant de trois strates : 1) une strate géologique, avec l’infrastructure du sol, où peuvent arriver des accidents (inondations, séismes, etc.) ; 2) une strate qui comprend les équipements, immeubles et leurs interactions ; 3) enfin une strate sociale et culturelle qui comporte la vie sociale et culturelle, la dimension sanitaire, les accidents ainsi que les problèmes à résoudre.

Le camp de réfugiés représente un milieu désorganisé spécifique : c’est un milieu « réorganisé » suivant des logiques propres, dans lequel l’espace et le temps sont bouleversés (oisiveté du temps de l’attente). Le camp présente trois caractéristiques constitutives définies par Michel Agier : l’extraterritorialité (le camp est un hors-lieu, souvent non identifié sur les cartes), l’exception (le camp est soumis à une autre loi que celle de l’État dans lequel il se trouve) et l’exclusion (le camp est la forme sensible d’une altérité).

L’objet « camp de réfugiés » sera appréhendé ici à deux niveaux. Le premier, le plus aisément accessible, relève de considérations humanitaires : accueil et traitement des réfugiés notamment. Le second est d’une plus vaste ampleur et se nourrit de considérations géopolitiques. De plus en plus de camps voient le jour sur la planète, au gré des conflits politiques et territoriaux. L’usage accru des réseaux sociaux entre ces camps y facilitera dans une certaine mesure les échanges d’information et de communication dont il peut être question dans l’évolution des coopérations et des conflits.

Les quelques travaux sporadiques sur les problèmes d’information et de communication montrent un important besoin de la part des réfugiés dans un contexte difficile et un environnement psychologique parfois lourd (insécurité, agression militaire, hantise du rapatriement forcé, stigmatisation de la solidarité, cohabitation avec les populations locales et harcèlement de tout ordre…). Nous sommes face à un déficit de savoirs dans ce domaine.

Problématique

Une première hypothèse concerne les pratiques d’information et de communication au sein du camp de réfugiés qui occupe ici une place centrale : quel est cet objet (le camp), constant dans les migrations humaines, et comment y fonctionnent des pratiques d’information et de communication ? Constitue-t-il un cadre organisateur de la communication et par conséquent de l’action ? Renforce-t-il le sentiment d’appartenance identitaire ? En quoi les orientations normatives et culturelles et les relations sociales contribuent-elles à y définir des logiques d’action ? Et comment sont-elles prises en compte par les professionnels de l’urgence ?
Se pose ici la question du sens (ruine des repères, quête de sens) ainsi que la reconstruction d’un sens autre (résilience, névrose post-traumatique, emprise sectaire, rumeur, etc.). Au niveau de la communication orale, comment faire face à la « babélisation » des camps ? Quelles sont les normes, codes et pratiques spécifiques (bricolages, improvisations) qui gèrent cette communication et lui attribuent un aspect singulier ? Dans ce contexte, comment l’espace est-il encodé ?

Une deuxième hypothèse concerne la temporalité qui fonctionne par à-coups alternant urgence et attente, dans un univers temporel indécis et flottant. Quel rôle jouent les médias en l’occurrence ? Pourrait-on créer une « horloge » d’un camp qui y régulerait la vie quotidienne et sensibiliserait au « vivre ensemble » ceux qu’il héberge, contrebalançant ainsi l’hostilité croissante à l’égard des réfugiés ?

Une troisième hypothèse concerne les outils de communication et leurs artefacts : quel rôle jouent le dessin, le pictogramme, le plan du camp, le smartphone, internet ? Il s’agira de préciser le rôle central du smartphone, l’un des biens les plus précieux des réfugiés. Peut-on alors parler de diaspora numérique ? Quel rôle jouent les outils informatiques qui, comme les bases de données, listent les personnes et indiquent leurs coordonnées.

Une quatrième hypothèse concerne un rapport inversé aux médias et aux ONG : peut-on imaginer que le camp de réfugiés soit lui-même un enjeu de communication, que ce soit au niveau des médias (le camp de réfugié comme enjeu dans la guerre que se livrent les médias) qu’au niveau de la communication des ONG ?

Questions vives

– Quels droits à la citoyenneté pour les réfugiés ? S’agit-il d’une question d’éducation ? Une incapacité à devenir des individus à part entière ? Quel « formatage » par le camp ?
– L’humanitaire est-il une réponse suffisante à la question des réfugiés et des migrants ?
– Quel pouvoir humanitaire face au laisser mourir ? Quel souci de la valeur humaine ?
– L’humanitaire est-il un mode de gouvernance par rapport à ce qui affecte les populations ?
– Pourquoi y a-t-il si peu de débats rationnels sur les politiques migratoires ?

Préconisations

Des propositions pourraient être élaborées à partir des réflexions de ce colloque, notamment :
– Existe-t-il une cartographie des camps établie sur la base du temps qui permettrait de tester une méthodologie sur un territoire aux fins de mieux comprendre les relations possibles entre les populations.
– Évaluer les politiques publiques et privées d’information et de communication.
– Dresser un catalogue d’outils et de procédés permettant la consultation locale de fichiers de ressources et de leur mode d’emploi en cas de détresse ainsi que des problèmes tels que les téléphones déchargés. Cela suppose la mise en place d’un observatoire et un site des pratiques innovantes en communication de catastrophe.
– Effectuer une veille technologique sur les systèmes de « réaiguillage » des messages média et radio.
– Construire un corpus de pratiques médiatiques inopérantes ou contre performantes vs catalogue de pratiques correctes.
– Veille technologique sur les innovations numériques

Ces journées sont organisées par Jacques Perriault, Claude G. Meyer, Jean-Louis Lhermitte, Édouard Kleinpeter, Romain Huët, Florine Garlot et Pascale Delille, avec le soutien de l’ISCC et du pôle Auvergne de l’ISCC.
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Institut des sciences de la communication
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