Dire le savoir-faire - Cahiers d'anthropologie sociale n°1

Salvatore D'Onofrio, Frédéric Joulian dir.


Nous vivons dans une époque de mutation anthropologique provoquée, dans une large mesure, par la séparation entre les hommes et leurs outils. Cette véritable " catastrophe anthropologique ", dont nous sommes tous en même temps responsables et victimes, s'accompagne de la désintégration qu'ont produite dans les sciences sociales les notions réductrices d'Homo oeconomicus, d'Homo religiosus, ludens, ou videns.


Cette désintégration est illustrée aussi bien par la création de clones que de nouveaux individus capables de tout consommer, depuis les produits transgéniques jusqu'à la viande d'animaux que nous avons transformés en " cannibales ". Etudier le savoir-faire dans les sociétés traditionnelles peut donc devenir une vraie ressource, puisqu'on fait alors appel à des modèles qui peuvent montrer à plusieurs niveaux la relativité des idéologies dominantes. Ce programme apparaît d'autant plus intéressant que nous vivons dans une civilisation capable de constituer des archives très sophistiquées de la mémoire sociale, alors même qu'elle est en train de vider l'humanité des appareils symboliques et conceptuels élaborés tout au long de son histoire. Dans diverses sociétés, les savoir-faire s'expriment par des concepts et des mots dont la valeur sémantique dépasse souvent le cadre des gestes techniques, tâches ou contextes d'utilisation. Et quoique dans certaines cultures le savoir-faire puisse être très développé sans avoir pour autant d'expression linguistique, il existe néanmoins, couramment, une relation étroite entre l'investissement corporel et les catégories stylistiques auxquelles appartiennent les objets. Les articles qui composent ce numéro explorent ces questions dans des sociétés fort éloignées dans le temps et dans l'espace et relancent le débat autour des pratiques techniques et de leurs modes de transmission.


Lundi 6 Septembre 2010


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