Sur l'érotique mystique indienne

Mircea Eliade


Toute femme nue incarne la Nature, la prakrti. On devra donc la regarder avec la même admiration et le même détachement que l'on apporte à considérer l'insondable secret de la Nature, sa capacité illimitée de création. La nudité rituelle de la yoginî a une valeur mystique intrinsèque : si, devant la femme nue, on ne découvre pas dans son être le plus profond la même émotion terrifiante qu'on ressent devant la révélation du Mystère cosmique - il n'y a pas rite, il n'y a qu'un acte profane.


Dans la pûja (le " culte " proprement dit) on adore le lieu où la nâyîkâ est assise, on fait des offrandes et on baigne la femme comme on baigne la statue d'une déesse. Pendant ce temps-là, le pratiquant répète mentalement des formules. La concentration atteint son maximum quand il porte la nâyîkâ dans ses bras et la dépose sur le lit, en répétant la formule : Hlîng klîng kandarpa svâhâ. L'union a lieu entre deux " dieux ". Le jeu érotique se réalise sur le plan transphysiologique, car il ne prend jamais fin. Pendant le maithuna, le yogin et sa nâyîkâ incorporent une " condition divine ", en ce sens que, non seulement ils expérimentent la béatitude, mais qu'ils peuvent contempler directement la réalité ultime. Il s'approche du Bouddha et recueille de sa bouche cette leçon inattendue : " Les femmes sont les dieux, les femmes sont la vie, les femmes sont la parure. Soyez toujours en pensée parmi les femmes !

Les Carnets se composent de textes rares et précieux, courts et radicaux, inédits ou disparus, de penseurs et écrivains majeurs. Ils ouvrent un accès direct aux réflexions aussi bien qu'aux fictions de ces auteurs qui ont formé la pensée et la littérature contemporaines.

Vendredi 17 Septembre 2010